mardi 25 octobre 2011

La beauté de Trois couleurs: Bleu, Blanc, Rouge

Krzysztof Kieslowski a réalisé en 1993-1994 une superbe trilogie cinématographique, tournée entre la France, la Pologne et la Suisse. 
Chacun des films est axé autour d'une couleur. Comme l'on peut s'y attendre, cette trilogie est centrée sur la France. Je ne vais pas ici me livrer à une critique détaillée de cette œuvre, car d'autres l'ont déjà fait, et ce de manière à la fois très technique et très perspicace (par exemple, voir: http://archive.filmdeculte.com/culte/culte.php?id=123).
Adoptant délibérément un point de vue subjectif et personnel, je veux expliquer ici pourquoi ce film m'a plu, voire m'a enchantée. 
Je pense que cela tient beaucoup à la vision du monde et de la vie qu'il propose. En effet, chacun des films a un lien avec les autres, mais un lien fort ténu: on devine que les personnages se croisent autour et au sein du TGI de Paris, par exemple, et une tête que l'on a juste aperçue dans une porte entrebâillée devient un personnage dans un autre film. Il faut bien sûr mentionner que, à la fin, la plupart des protagonistes se retrouvent, mais sans pour autant que le spectateur soit certain qu'ils se soient rencontrés. Des thèmes s'entremêlent, tels que ceux de la justice, de la passion, de la solitude et de l'abandon, ou encore de la musique et de la création. Ce qui m'a saisie dans ces rappels, c'est à la fois leur évidence et leur caractère ténu. Il s'en fallait de peu pour ne pas les voir...et pourtant, dès que l'on commence à y penser, ils semblent crever l'écran. 
Tous les personnages, même secondaires, ont une personnalité définie. Et cela n'est pas toujours utile au fil narratif. D'ailleurs, ils semblent également que tous les rappels et les liens que j'ai évoqués, ne soient pas, eux non plus, toujours utiles, en tant que tels, à l'histoire et au déroulement du film. Mais c'est, à mon avis, ce qui fait la beauté de cette trilogie et qui la rend saisissante. Comme la vie, elle est faite de fils, et on ne sais pas immédiatement lequel de ces fils deviendra conducteur, et lesquels s’achèveront, de notre point de vue en tous cas, en effilochage. 
Accorder une telle importance aux passants et aux intervenants secondaires à l'histoire principale dénote, je trouve, un respect profond pour la vie et ses possibilités infinies, et pour l'humain et ses potentialités insoupçonnées. De cette façon, Kieslowski nous introduit dans son univers, fait de comique du quotidien - un comique souvent désabusé mais si tangible.
Fondamentalement, comme dans un bon roman, j'aime que les films mettent autant d'énergie à nous promener dans leur univers qu'à nous raconter réellement une histoire.

D'ailleurs, sur ce dernier point, une remarque sur la fonction du récit. Nous avons besoin de récits pour vivre, qu'elle que soit la forme et qu'elle qu'en soit la provenance et le medium. Nous avons besoin que l'on nous raconte des histoires, notamment dans la mesure où les histoires nourrissent notre réflexion ainsi que notre vision de notre propre vie. Le mythe, en étant une forme particulière de récit, symbolise tous les éléments qu'il utilise. Par exemple, dans l'histoire d'Orphée, tout est utile, et tout peut être commenté. Tout peut donner à réfléchir : l'instrument dont Orphée joue, la descente aux enfers, la tête à la fin. Mais dans la plupart des récits, il n'en est pas ainsi - et l'on ne peut vivre que de mythes, nous avons besoin d'histoires qui ont, en quelques sortes, moins de sens et de significations. C'est épuisant un mythe, car c'est lourd de sens. Au contraire, la plupart des récits que nous rencontrons, sont pleins de détails, et d'embryons d'histoires parallèles. Cette structure nous permet de laisser aller notre imagination, ainsi que de prendre conscience que notre propre histoire individuelle est insérée dans un réseau tissé et serré d'autres histoires. Le détail, en apparence futile, nous autorise à rêver, tout en saisissant mieux le contexte du fil narratif principal de l'histoire que l'on nous raconte.

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