Cet article sera sans doute plutôt un court billet d'humeur. J'ai trop entendu, et l'ai encore entendue récemment, cette opinion revêtue du vernis du bon sens : "La France est un pays d'assistés, avec toutes les aides sociales, c'est plus intéressant de ne pas travailler que d'avoir un travail."
Cet avis m'agace car il manifeste une extrême méconnaissance de ce que sont la misère et la pauvreté. Des personnes dotées d'un travail trouvent que, entre le RSA, les APL et les allocations familiales, ces gens bénéficient tout de même largement de la générosité de l'Etat. Mais l'Etat n'est pas généreux. Les gens qui ont pour seules ressources ces revenus sont, la plupart du temps, dans une grande pauvreté. (Je dis "dans la plupart du temps", car il y a bien sûr des fraudes à ce système, mais comme à tout système).
Et une petite remarque ad personam : étrangement, ceux que j'entends tenir ce discours sont souvent des gens loin eux-mêmes de la misère. Ils pensent qu'avec 900 euros par mois, on est riche. Peut-être quand on a sa famille derrière soi, quand on a des économies ou que l'on est fort socialement. Quand on a rien, que l'on est entouré de gens eux-mêmes dans la misère, et que ces 900 euros doivent absolument tout couvrir, c'est peu. Et il faut préciser que, pour atteindre un tel montant, il faut avoir des enfants à charge.
Non, je ne veux pas d'un pays, où, sous prétexte d'égalité formelle (l'argent se distribue uniquement par le travail), des parents ne peuvent nourrir leurs enfants, où face à une situation critique, on laisse des gens mourir de faim ou de froid. Et ces gens qui estiment qu'il s'agit de bons à rien qui ne veulent pas travailler, sont, je le constate, souvent de ceux qui n'ont pas tout gagné à la sueur de leur front. La famille était là, avec des moyens appréciables pour aider ses rejetons. Et, en France, pour que cette dernière phrase soit vraie, il n'est pas nécessaire de parler des 1% des familles les plus aisées, il suffit d'appartenir à la classe moyenne - état des choses qui est également le produit d'une société qui a souhaité redistribuer plutôt que laisser les mêmes s'enrichir tandis que les autres n'avaient aucune perspective d'amélioration de leur situation.
Il est difficile de mettre en œuvre une justice sociale universelle - tâche épuisante et sans fin. Mais j'ai la nausée que l'on remette en cause les acquis de notre pays, dont nous devrions plutôt être fiers. Être une société, c'est ne pas accepter que le miséreux n'ait aucune chance, aucun moyen de s'en sortir ; c'est refuser de ne pas entendre l'incroyable détresse de la pauvreté de l'autre. Et oui, c'est d'autant plus difficile quand on ne connaît pas cet autre personnellement.
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