mercredi 16 janvier 2013

Le vélo : déclaration naïve

J'aime faire du vélo. Je trouve qu'il s'agit du meilleur mode de déplacement en ville.
De manière comparative, et négative, je peux dire que je le préfère aux autres modes urbains de déplacement :
- il est moins lent que de marcher, et permet donc d'avoir un rayon de circulation la plupart du temps approprié à la vie en ville
- je n'ai pas de temps d'attente avant de le prendre, et je n'ai pas besoin de surveiller des horaires
- je ne suis pas serrée contre les autres passagers
- il coûte moins cher qu'une voiture - et en achat et en entretien
- je ne dépends de personne

Mais je l'aime aussi en lui-même. Quand je suis sur un vélo, je me sens libre. Libre de prendre le chemin que je veux, libre de me perdre ou d'essayer des nouveaux itinéraires, libre de partir quand je veux. Quand je vais d'un endroit à l'autre, il me donne l'occasion de me changer les idées, éventuellement en chantant à tue-tête. Il me permet de faire de l'exercice régulier et plutôt doux, ce qui n'est pas un petit luxe lorsque l'on habite en ville. Et surtout, je me sens vivante : j'entends ce qu'il y a autour de moi, j'apprécie selon que je suis dans une rue bruyante ou calme, je sens les odeurs des saisons et des choses.
Et puis, cela peut sembler trivial, mais à chaque fois que je me laisse descendre le long d'une pente, je me dis que j'avance par la seule force de la gravité, et je trouve cela fantastique. Et quand je gravis, parfois péniblement, une côte, j'ai cette pensée qui me vient, selon laquelle je suis en train d'engranger de l'énergie, pour quand je descendrai.

vendredi 11 janvier 2013

Divertissement

"La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement, et cependant c'est la plus grande de nos misères. Car c'est cela qui nous empêche principalement de songer à nous, et qui nous fait perdre insensiblement. Sans cela, nous serions dans l'ennui, et cet ennui nous pousserait à chercher un moyen plus solide d'en sortir. Mais le divertissement nous amuse et nous fait arriver insensiblement à la mort."
Pascal, Pensées, fragment n° 171 (numérotation de Lafuma)

Je voulais écrire quelque chose sur le divertissement, expliquant combien il nous est nécessaire, car l'on ne saurait vivre avec uniquement des objectifs réfléchis et de long-terme. Avant que d'écrire un billet sur le point du divertissement, il m'a semblé important de m'intéresser à ce qu'en dit Pascal, connu notamment comme le théoricien majeur de cette notion. Je me trouve alors face à ce fragment, que j'ai reproduit plus haut, et il me semble qu'il exprime encore mieux que je ne l'aurais fait l'ambivalence du divertissement.

Je me contenterai donc, ici, de proposer quelques réflexions sur la nature du divertissement et la place qu'il occupe dans notre existence.
Par divertissement, il faut entendre les activités ou les occupations qui n'ont pas d'objectif moral ou signifiant, c'est-à-dire dont l'accomplissement ne les dépassent pas, mais plutôt leur est circonscrit. Par exemple, si je joue au bowling, l'objectif est d'abattre les quilles de façon à marquer le plus de points possibles. Que je gagne ou que je perde, finalement, n'a pas d'importance en dehors du jeu, et le fait de jouer au bowling ne me transcende pas, ou encore pourrait-on dire, ne me dépasse pas. Je joue pour jouer, pour passer le temps, peut-être pour ne pas penser aux choses plus graves de la vie. Au contraire, apprendre n'est pas du divertissement, en ce sens que cela à un sens en dehors de son pur acte : je n'apprends pas, en général, pour apprendre ; j'apprends afin de devenir meilleure, de devenir une personne plus capable, de développer mes capacités qui sont encore à l'état latent, afin d'atteindre certains buts. Par exemple, à l'extrême, l'on pourrait dire que je peux décider de devenir meilleure au bowling, de comprendre comment fonctionne cette activité, et l'utiliser comme un moyen de mieux me connaître, tant au point de vue psychique que physique. Plus classiquement, ne sera pas du divertissement une réflexion sur la nature de l'être, de l'humain, de la vie, et sur l'inéluctabilité de la mort.

Ainsi, l'on pressent que plaisir et divertissement ne sont pas nécessairement liés. Je peux me divertir sans rire ou ressentir de joie, et trouver une certaine joie dans des activités qui ne relèvent pas du divertissement.
Je peux me divertir, donc me détourner des vrais buts de l'humain, sans rire ou ressentir de joie, sans que cela ne me fasse résoudre une certaine lassitude que je peux ressentir à l'égard de l'existence. Je pourrai oublier mes soucis, un temps, mais sans y prendre réellement plaisir.
Je peux m'amuser d'activités qui ne relèvent pas du divertissement, en, par exemple, ressentant une certaine satisfaction à l'idée d'avoir abouti à une solution, au moins intermédiaire, concernant les problèmes moraux qui m'occupaient.
Toutefois, il convient de ne pas négliger le divertissement, même s'il ne nous amuse pas systématiquement. En effet, l'on ne peut vivre que de réflexions profondes et d'actions réfléchies. L'être  humain a besoin de se divertir, de s'amuser, en un mot, d'oublier sa condition, au moins de temps en temps, afin de pouvoir, ensuite, éventuellement, s'attaquer - ou se réattaquer aux questions et problèmes liés à sa condition.