lundi 22 octobre 2012

Qu'est que chez-soi ? (propos sans queue ni tête)

Le chez-soi est le lieu où l'on rentre, la maison. En français, on dit "rentrer à la maison", alors que l'anglais distingue nettement le bâtiment (house) du chez-soi (home).
Chez-soi, ce n'est pas nécessairement le lieu où l'on rentre le soir. Il me semble que l'on peut distinguer deux aspects qui permettraient de délimiter le chez-soi.
Objectivement, ce pourrait être l'endroit où l'on rentre, pour dormir, et où l'on a une routine, des habitudes. Par opposition, quand je suis en visite, je ne peux avoir de routine complètement, car je ne suis pas chez moi. Je me conforme aux habitudes ou exigences de mes hôtes. Chez-soi c'est le lieu où l'on a sa propre routine, où l'on peut avoir un quotidien.
Subjectivement, l'on pourrait dire que l'on est chez-soi dans le lieu où l'on se sent bien, délié de toute obligation d'avoir à prouver quoi que ce soit. Bien sûr, ce refuge peut parfois tendre vers la réclusion. Chez-soi, l'on est soi-même, en privé, et il ne semble pas y avoir d'enjeu de personnalité, contrairement, par exemple, au lieu de travail, où l'on est soumis à l'obligation de prouver que l'on a effectué certaines tâches. Chez-soi n'est donc, finalement, pas nécessairement l'endroit où l'on rentre tous les soirs ou presque.

Chez-soi n'est donc pas complètement identifiable au foyer. Le foyer, étymologiquement, renvoie au feu. Le foyer, c'est l'endroit où brûle un feu, celui de la famille. Au foyer s'associent souvent les ancêtres, qu'ils s'agissent des mânes romaines ou simplement des récits familiaux communs. Ainsi, l'on pourra avoir un chez-soi à l'intérieur d'un foyer.

Le monde moderne, rythmé autour du travail, rend le chez-soi quasiment vital. L'on ne peut affronter la journée qui commence, les journées qui se répètent, si l'on ne peut se ressourcer un minimum entre elles.

mercredi 10 octobre 2012

Encore des animaux - Kundera

Plusieurs passages de L'insoutenable légèreté de l'être peuvent enrichir ou illustrer encore quelque peu la discussion sur les liens entretenus entre l'humain et l'animal. Je reproduis ici la citation qui est, à mon sens, la plus parlante, la plus emblématique.

"La vrai bonté de l'homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu'à l'égard de ceux qui ne représentent aucune force. Le véritable test moral de l'humanité (le plus radical, qui se situe à un niveau si profond qu'il échappe à notre regard), ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. Et c'est ici que s'est produite la faillite fondamentale de l'homme, si fondamentale que toutes les autres en découlent."
Milan Kundera, L'insoutenable légèreté de l'être, Gallimard, éd. 1984, p 421

Pour Milan Kundera, l'important dans la relation de l'humanité aux animaux est que ceux-ci "ne représentent aucune force". Il est vrai que l'animal ne pourra jamais exercer de pouvoir, au sens où le pouvoir s'exerce et joue à un niveau symbolique. L'animal pourra causer des dommages, mais le but n'en sera jamais la cruauté. La cruauté, c'est-à-dire le fait de faire souffrir autrui avec la connaissance de le faire souffrir, ou d'augmenter sciemment ses souffrances, ne pourra jamais être le fait d'un animal. On pourra toutefois être cruel envers un animal : nous pourrons, en tant qu'humains, faire souffrir un animal, en ayant la conscience de le faire souffrir. Si la cruauté est un attribut de l'humain, ce n'est pas le cas de la souffrance, qui est partagée par une grande partie, au moins, du règne animal.

La relation de l'humain à l'animal, et plus particulièrement, la cruauté envers les animaux est un thème qui parcourt l'ensemble du roman. Kundera insiste notamment sur le fait que le régime soviétique avait dédramatisé la souffrance animale, afin de préparer à la souffrance humaine. A l'aune de la citation ci-dessus, cela peut également se comprendre comme un basculement obscène de la sphère privée à la sphère publique. Le test moral de l'humanité auquel Kundera fait référence se dérobe en principe au regard : la relation de l'humain à l'animal est quelque chose qui appartient à la sphère privée de chacun. En faisant passer cette relation vers la sphère publique, on l'institutionnalise, et on lui fait donc nécessairement perdre son caractère désintéressé. Les individus agiront, en public, vis-à-vis des animaux, ainsi qu'il est prescrit publiquement, et la possibilité de ce test moral est effacée par cette publicité. Le personnage de Tereza est à cet égard archétypique (je me garde ici d'employer le terme "exemplaire" ; en effet, cette relation, bien que romanesque, ne saurait avoir une quelconque valeur d'exemple sans perdre son caractère désintéressé et privé) : sa relation avec son chien se situe hors de toute considération incluant d'autres humains, elle relève entièrement de la sphère privée.