Alors que, aujourd’hui, ainsi que le démontre Michel Foucault,[1] le vivant est devenu objet de gestion, et la vie appréhendée comme une donnée statistique, l’individu, le sujet, cherche à retenir sa singularité, ou tout ce qui pourra donner un sens à sa vie. Finalement, il n’y a, de manière apparemment paradoxale, rien de plus morbide que d’accepter la vie dans toute son absence de sacré, et dans toute sa nudité physique.
Le pouvoir ne s’intéresse pas à l’individu dans sa plénitude. Le premier appréhende le second dans sa fonction. Le pouvoir s’adresse à l’individu en tant que, selon les circonstances et les besoins de la situation, sujet fiscal, électeur, patient, subordonné ou employeur, usager, consommateur, ou, encore plus topiquement, élément d’une foule potentiellement dangereuse et susceptible de débordement.
Géré, managé – et ces mots sont desormais monnaie courante au quotidien, l’individu est rendu, avant tout, productif. S’il ne peut être productif, la société tendra à limiter ses capacités de nuisance, jusqu’à le nier, si besoin est, afin de le neutraliser, symboliquement, économiquement et physiquement.
Il me semble qu’une telle perspective met le doigt sur l’un des aspects de crise de notre société. Qu’est cette société qui semble préférer le tout à la partie ? Quelle légitimité pour un groupe, qui, axé sur la production, génère une souffrance provenant de son approche décidément a-ontologique (littéralement en dehors de l’être, car le niant) ?
[1] Je n’utilise ici de Michel Foucault que la notion de biopolitique, telle qu’il la propose dans plusieurs de ses écrits, et notamment dans « Il faut défendre la société », cours au Collège de France du 14 janvier 1976. A partir de cette demonstration, les développements effectuant un retour sur l’individu dans cette société sont les miens.