Le Loup de Wall Street : un film distrayant, relativement prenant. Mais ce n'est pas un excellent film. Certes, on n'y rit par moment, il y a quelques scènes un peu marquantes.
En fait, c'est surtout un film sur les obsessions de notre temps, et c'est sans doute pour cela qu'il nous happe, pour ainsi dire.
Obsessions pour l'argent, le sexe et la drogue, l'argent permettant d'acheter tout le reste.
Notre monde occidental est fasciné par le succès, qui se traduit par la richesse. Et nous sommes fascinés par la richesse extrême, indécente.
Sexe et drogue sont mis en scène dans ce film de la même manière que l'argent : de manière illimitée (d'un point de vue quantitatif) et sans limite, ni sociale (le regard des autres) ni individuelle (la honte de soi, le doute sur ce que l'on fait).
Notre société fantasme l'individu qui aime le matérialisme - comme si cela pouvait nous rendre heureux.
Le travail est central - ou du moins fantasmé comme central. L'entreprise que l'on voit se monter, procure des profits indécents à ses salariés, leur procure amusement, divertissement, voire leur permet d'obtenir une personnalité. Par contre, pour celui qui dévie, c'est l'humiliation immédiate et publique. Et personne ne proteste ni n'a d'arrière-pensée : il s'est désolidarisé de la boîte, il n'a pas donné tout ce qu'il avait pour elle.
A la fin du film, le héros, qui a tout perdu, a tout de même retrouvé un travail - conférencier sur la psychologie de la vente. Le spectateur est rassuré. Pour le reste, peu importe, finalement.
Et notre temps est bien moderne. On y compte, on y quantifie, on y valorise le succès individuel.
C'est l'histoire d'un film où tout - et tout le monde - s'achète. Des travailleurs qui veulent devenir riches, aux prostituées, en passant par la conscience de chacun (par exemple, les parents du protagoniste, enrichis, ne songe pas à discuter de morale ou de sens avec leur fils). La maison, la voiture, de même que l'épouse, s'achètent. On peut faire faire n'importe quoi à n'importe qui avec de l'argent - se couper les cheveux, se faire lancer dans une cible, ne sont que des exemples de ce que l'on voit dans ce film. Et la justice s'achète aussi : en acceptant de coopérer avec elle, et en donnant le nom de tous ses complices, le protagoniste descend de vingt ans de prison probables à moins de quatre ans, dans une prison à l'écart de ceux qu'il a connu.
En résumé, ce film happe car il étale, avec une certaine adresse, les schémas plus ou moins conscients qui nous hantent collectivement, et qui peuvent sans doute être désignés comme provenant de la société Nord-américaine.