samedi 17 septembre 2011

Virginia Woolf, merci.

On dirait que Virginia Woolf nous entraîne à chaque fois dans les coulisses du monde, des émotions et des actes. Son style, incisif et évocateur, fait vivre pour nous des situations qui semblent si vraies. Nous nous intéressons à des personnages qui ne sont jamais fondamentalement mauvais, et pourtant, qui se retrouvent dans des relations avec d'autres qui sont si difficiles, et souvent créatrices de souffrance. J'apprécie cette proposition de vision des humains, et la trouve beaucoup plus enrichissante - voire source de sérénité - que celle, manichéenne, consistant à s'identifier à des personnages toujours bons, et qui ont à lutter contre des méchants dont il est évident qu'ils n'ont même pas de tentation de bonté et d'altruisme. Ces méchants sont animés par le désir de nuire, et éventuellement, au mieux, de jouir de la vie d'une façon qui nous est incompréhensible.

Woolf, au contraire, nous dévoile un monde d'êtres tiraillés entre leurs désirs de profiter de l'instant, leur vanité, et leur conscience de l'autre. Ces êtres ne savent souvent pas où est le juste, mais tentent au mieux de s'y accrocher (je pense notamment au trio captivant de Night and Day, Katharine, Ralph et Rodney). Pour ces êtres, des détails peuvent devenir des coups d'éclats, et le visible peut atteindre le niveau de l'insignifiance, tant sont primordiaux les désirs d'âme et de corps qui les agitent. Et le magnifique, l'éclatant, survient quand ces mouvements de chacun des êtres semblent rencontrer des mouvements émis par d'autres.

La rencontre chez Woolf n'est jamais totale, et même ses personnages qui se veulent les plus purs, les plus simples, les plus univoques, ne parviennent finalement qu'à se rencontrer sur certains aspects, sur certains moments. J'admire cette incroyable virtuosité que cette auteur démontre dans la compréhension de l'humain et des rapports que l'être entretient avec les autres êtres. Ma seule vérité est mon être, et je ne peux que percevoir, que deviner, la vérité ontologique de l'autre. Woolf parvient à simultanément mettre en présence des êtres différents et complexes, comme si elles parvenaient à s'incarner dans chacun. 

Je n'ai jamais rencontré de livre qui ne sut mieux que ceux de Woolf camper des personnages à la fois si différents et si riches. Par exemple, les romans de Paul Auster ont beau être écrits de main de maître et me captiver complétement, en me laissant haletante au moment de les refermer, je ne peux me départir de l'impression que tous ses personnages sont semblables. Ils semblent mus par les mêmes genre de passion, et réagissent selon des grilles d'analyse - parfois sans sens, il est vrai - qui sont toujours très voisines, pour ne pas dire identiques.