lundi 4 juillet 2011

Question de culture

Revenant de Montréal, pour retrouver mes amis autour d'un verre d'anniversaire à Paris, je créé un "événement facebook". Ce geste fou est parti d'un constat multiple:
1. je ne sais plus où j'ai mis les adresses courriels de tout le monde
2. à Montréal, j'ai découvert que ça marchait bien.

Mais, surprise (qui ne devrait pas en être une quand on a déjà vécu à Paris), à Paris, ça ne marche pas. Et j'ai réalisé mon erreur.

A Paris, ai-je supputé, les amis et connaissances ne se satisfont pas d'une invitation générale, qu'il faut qu'ils aillent rechercher eux-mêmes dans les dédales de fb.
Mais surtout, plus pertinent et plus juste aussi, je crois: les Parisiens - même d'adoption (est-ce alors un trait de Français, ou d'Européens?) - ne peuvent se reconnaître dans les trois catégories proposées par fb, catégories, qui, bien que parfaitement rationnelles n'en sont pas moins trop simplistes.
A Montréal, l'Américain ou l'Américaine du Nord - même d'adoption -, répond, au choix,qu'elle ou il viendra, ou ne viendra pas, ou viendra peut-être. Le Parisien et la Parisienne ont une palette beaucoup plus large et pleine de nuances, souvent à leur insu d'ailleurs.

En voici des exemples:
- je passerai avec Bidul (le copain) ou Bidule (la copine)
- j'appelle si je ne sors pas trop tard du taf/du dîner chez mes parents/de ma discussion profonde avec cette personne que je n'ai pas vue depuis longtemps mais qui m'est importante/de mon stage non rémunéré/de mon verre précédent
-j'essaie de faire un saut sur le chemin de chez moi
-je passe après le concert trop cool des trucs machins
-j'enregistre qu'il y a quelque chose, mais je ne peux pas prévoir, je suis trop surbookée/surbooké en ce moment
-il y a une vente privée qui commence 1h avant, je ne sais paaaaaaaas!
- on va au cinoche avant avec truc et truque, ça te dérange si je les amène aussi?
-j'ai peur que les transports me fatiguent trop, je verrai comment je me sens
-ah, il faut répondre? vraiment?
- je suis à Madrid, Lisbonne, New-York, Amsterdam, Athènes, Prague, Grenoble, Fontainebleau, etc. Je rentre dans la semaine, mais je ne suis pas sûre de quand. Si je suis rentré(e), je passe, c'est sûr.
- Je déménage ce jour-là. Je vais voir.
- J'assiste à une avant-première avec ma marraine à la Comédie Française/à une conférence rue d'Ulm, à la Sorbonne, à Sciences Po, à l'EHESS, à Cachan. Je te dis.
- Je ne resterai pas trop tard, mais je passerai.
- Je crois que j'ai une intoxication alimentaire. On se retrouve demain?
- je viens de réaliser que je suis complétement fauché, et j'essaie de ne pas dépenser jusqu'à ce que cela s'arrange. On se voit pour aller se balader un peu plus tard dans la semaine ?

Voilà, quelques exemples courants qui font que, à Paris, les amis ne peuvent pas se reconnaître dans un des trois choix de facebook, qui a beau se vouloir très consensuel, reste malgré tout culturellement incontestablement adapté à un raisonnement et une façon de voir la vie assez anglo-saxons.

vendredi 1 juillet 2011

Partir...et Revenir

Contrairement aux a prioris que l'on aurait, je pense qu'être loin de chez soi est souvent plus facile que d'être de retour. Quand on est loin, d'une certaine façon, la pensée que l'on vient d'ailleurs nous permet d'avoir un peu de nostalgie pour cet ailleurs. Cette nostalgie nous est douce, et nous renvoie de façon très légitime et facilement acceptable par nous-mêmes au monde dont l'on s'est éloigné, et vers ceux que l'on a laissés.
Mais quand on revient, c'est une autre histoire. On retrouve ce monde, on est réengloutie dedans. Il est plus difficile de garder un pied dehors, de conserver une certaine distance face aux événements qui nous affectent.
Lorsque l'on est loin de chez soi, on peut toujours se bercer que l'on vient d'ailleurs, et que là-bas, on y a des amis, de la famille, des possibilités. On connaît cet endroit, on en a compris les rouages et les mécanismes, et cela nous permet d'extrapoler et d'avoir une idée assez précise (je ne dis pas ici juste ou vraie) de ce que nous pourrions être en train de faire si nous étions restés.
Mais quand vient le moment où l'on rentre chez soi, c'est une autre histoire: il ne s'agit plus de possibles mais de réalités. Et le monde que l'on a laissé afin de revenir ne nous permet pas la douce rêverie que l'on voudrait symétrique à la première évoquée. On ne connaît pas assez le monde que l'on a laissé pour pouvoir réalistement se bercer de ce que nous serions en train d'y faire. Là-bas, tout ou presque était expérience, nouveauté. Il fallait être en alerte pour avancer et s'en sortir dans cette société où les repères n'étaient pas les nôtres instinctivement. On avait toujours l'excuse envers soi-même - ou l’apaisement - de savoir que l'on vient d'ailleurs lorsque tout ne marchait pas comme prévu ou que l'on se prenait des portes dans le nez.
Par ailleurs, loin de chez soi, on se lie à d'autres personnes qui sont loin de chez elles, et on rencontre le monde entier. On s'habitue à un mélange culturel et linguistique, on apprend à communiquer avec des références différentes. On rencontre aussi les gens de là, et on accueilli en tant que voyageur, en tant que personne loin de chez elle. Quand on revient, on attend de nous que nous nous refondions dans l'existence sans plus de remous: nous la connaissons la vie ici, nos proches sont autour de nous!
En plus de tout ça, on s'était si souvent tellement préparés à partir, on y avait pensé. Mais revenir, alors là, pas du tout! J'ai l'impression que l'avis unanime des gens qui ont vécu des expériences de ce genre est que le retour est quelque chose qui est arrivé, mais sur lequel on n'avait pas médité. Il était évident que nous reviendrions un jour. Et c'est aussi pour cela que le retour est dur: nous sommes difficilement prêts à accepter qu'il est difficile et souvent malaisé.